C’est le premier blog que je suis parvenue à écrire depuis que ma mère est décédée, le 6 mai, 2016, se pliant enfin dans les dernières phases de la maladie de l’Alzheimer. Je me suis réveillée à 3h30, un tourbillon de mots dans ma tête, et donc j’ai décidé de me lever pour faire des biscuits pour une levée de fonds que j’ai organisé cette semaine. Ce qui est hors nature ici, c’est que je ne fais jamais de pâtisserie. Les biscuits sont au four, et à la table de cuisine, je me permets de laisser couler les mots.
J’ai peut-être été naïve, mais tant j’ai pensé être prête pour le décès de ma mère, je ne l’étais pas du tout. Après des années passées à observer la détérioration cognitive et physique livrée par cette maladie, tout le monde insistant – et moi aussi – qu’elle « sera dans un meilleur endroit quand le jour viendra. » Eh bien, le jour est venu et je n’étais pas prête à la laisser partir.
J’étais déjà passée par là, côtoyant mon père lors de son dernier voyage en 2005 quand il est décédé d’insuffisance cardiaque congestive. Mais c’était différent. Mon père avait souffert de nombreuses maladies durant toute ma vie et c’est ma mère qui avait pris soin de lui. Nous avions témoigné ensemble de sa souffrance durant toutes ces années, et il espérait la fin de ses jours. Et quand elle est arrivée, malgré l’immense tristesse, ce fut paisible.
Au chevet de ma mère, ses mains dans les miennes, ma tête sur sa poitrine, caressant ses cheveux. Observant et comptant chaque laborieuse respiration, la voyant tenter de rattraper son souffle, devinant quel serait son dernier. Je n’ai jamais ressenti un tel chagrin dans ma vie. Je me sentais comme un volcan au bord de l’éruption, et c’est ce qui est arrivé dans les semaines suivant ses funérailles. Je me retrouvais emportée par la colère envers maladie qui l’avait privée de son âge d’or. Malgré ses années passées comme aidante de mon père, ma mère maintenait sa bonne santé et son dynamisme, tant physique que mental… jusqu’à la maladie d’Alzheimer. Ça m’a pris plusieurs semaines avant de pouvoir retourner vers l’acceptation et me défaire de ma souffrance.
De même, je n’étais pas prête pour le changement personnel qui m’a affecté. J’avais souvent entendu d’autres femmes dire que la mort de sa mère « vous change » mais je ne pouvais pas jusqu’ici comprendre ce sentiment. Je ne peux que le décrire comme un sens de retour vers mes racines afin de comprendre mon véritable rôle dans la vie et de continuer à m’entourer de gens et d’engagements positifs. Je suis aussi devenue intolérante des bêtises. Les mains de l’horloge n’arrêtent pas et la vie passe beaucoup trop vite.
Malgré le chagrin, ce fut un immense privilège pour moi de pouvoir personnellement accompagner mes deux parents lors de leur dernier voyage. Le regard de la mort ne me hante pas, seulement le dernier adieu.